Pourquoi rejetons nous les conseils ?

Nous avons très facilement tendance à donner notre avis, à conseiller notre entourage. Cela part souvent d’un très bon sentiment : être altruiste, rendre service, éviter certaines erreurs à nos proches. Pourtant, lorsque nous recevons des conseils que nous n’avons pas sollicités, nous ne le prenons pas toujours bien. Et cela peut même avoir un impact négatif sur l’image que nous avons de nous-même.

 

Un sondage en ligne demandait : « De manière générale, aimez vous les conseils non sollicités ? ». Ce sondage laissait le choix parmi trois réponses : « oui », « non » et « seulement si c’est la bonne personne qui me les donne ». 56 % des participants ont choisi de répondre « non » tandis que 38 % ont coché « seulement si c’est la bonne personne qui me les donne ». Donc, seulement 6 % des personnes semblent apprécier de recevoir des conseils spontanés.

« Les conseils sont rarement les bienvenus, et ce sont ceux qui en ont le plus grand besoin qui les accueillent avec le moins de plaisir. » - Philip Chesterfield

Pourquoi les conseils non sollicités ne sont pas appréciés ?

Aux yeux de la personne qui va donner un conseil, il y a de nombreuses raisons qui justifient celui-ci. Que ce soit le parent qui se soucie de ta santé, le collègue qui veut te faciliter la tâche, l’ami(e) te veut du bien…

Mais lorsque le conseil n’a pas été demandé, la manière dont il est perçu peut avoir des effets néfastes :

  • sur l’image que la personne « conseillée » à d’elle-même,
  • sur la relation entre nos protagonistes.

Si les conseils sont réguliers et que la personne qui les reçoit est jeune ou n’a pas beaucoup d’assurance, elle va développer le sentiment qu’elle n’est pas capable, qu’elle ne sait pas être autonome. Et cela peut l’amener à faire preuve d’anxiété. Elle aura moins confiance en elle et aura tendance à avoir des réactions plus consensuelles.

Le conseil non sollicité peut être perçu comme une désapprobation, comme un jugement sur notre valeur et sur nos choix de vie. En fonction du lien que nous avons avec la personne qui nous donne ce conseil, nous pouvons percevoir celle-ci comme marquant son désaccord, comme condescendante, ou, même, comme cherchant à nous dicter notre manière de penser.

Lorsque nous recevons un conseil alors que nous n’avons rien demandé, nous nous sentons dans un rapport de force. Que cela soit avéré ou non, nous percevons le conseil comme une affirmation de dominance, comme de la méfiance vis-à-vis de notre esprit critique, comme un déni de nos priorités et de nos objectifs personnels.

« Il y a dans les meilleurs conseils de quoi déplaire. » - Jean de La Bruyère

Accepter le conseil donné, c’est un peu se mettre dans une situation ou nous ne sentons plus maîtres de nos choix et de notre destin. Notre esprit de contradiction pourrait nous inciter à, par principe, choisir de ne pas suivre le conseil. Même si nous savons que nous faisons fausse route, notre ego et notre besoin d’autonomie nous incitent à continuer envers et contre tous.

Et lorsque le conseil provient d’une personne avec qui nous avons un lien affectif, nous sommes tiraillés entre ce besoin d’indépendance et le désir d’entretenir ce lien. Nous pouvons craindre qu’en refusant son conseil, cela soit perçu comme un manque d’amour ou de respect. Ce conflit intérieur entre le besoin de faire plaisir et le besoin d’indépendance génère de la frustration, voire de la colère.

Nous n’interprétons plus le conseil comme une volonté de nous aider. Nous l’interprétons comme une tentative de nous contrôler, de nous dicter notre point de vue. Soit nous nous révoltons et nous rentrons en opposition, soit nous l’intériorisons et la frustration grandit progressivement. Parfois jusqu’à la rupture.

Mais les conseils non sollicités peuvent également nous amener à intérioriser des généralisations et des hypothèses qui ne sont tout simplement pas vraies.

Comment réagir à un conseil que tu n’as pas demandé ?

Avant d’intérioriser ou de lancer un conflit ouvert, que peux-tu faire quand tu reçois des conseils que tu n’as pas sollicités ?

Identifie la source et filtre les conseils.

Parmi les conseils que tu reçois, nombreux sont ceux qui ne sont pas désirables. Mais d’autres valent la peine d’être pris en compte. Il est intéressant de traiter les conseils comme nos boites mails gèrent les mails indésirables.

Le premier filtre est lié à la source du conseil :

  • Quel est l’état d’esprit général de la personne, est-elle positive ou négative ?
  • Est ce quelqu’un qui t’aide à progresser ou est-ce quelqu’un qui a tendance à t’enfoncer ou à te faire culpabiliser ?
  • Le donneur de conseils, a-t-il de l’expérience dans ce domaine ?
  • Cette personne, est-elle, dans ses comportements, un exemple que tu désires suivre ?
  • Quelles sont ses motivations ?
  • Y a-t-il une quelconque tentative de prise de contrôle ?
  • Si tu suis ce conseil, quels seraient les avantages pour le donneur de conseil ?

Le second filtre est lié au contenu du conseil :

  • As-tu déjà entendu ce conseil auparavant ?
  • Le conseil, est-il factuel ? Ou au contraire, est-il basé sur des idées préconçues ?
  • Est-ce que ce serait un conseil que tu donnerais si tu étais observateur ?

« Écoute les conseils de tous et prends celui qui te convient. » - Proverbe français

Le troisième filtre est lié à ce que le conseil implique :

  • Quelles seraient les conséquences si tu suivais ce conseil ?
  • Te permet-il de respecter tes valeurs et de poursuivre tes objectifs ?
  • Est-ce de cette manière que tu désires faire les choses ?

Si tu prends l’habitude d’identifier de la sorte les conseils que tu reçois, tu seras en mesure de décider plus rapidement si cela vaut la peine de les suivre ou s’il vaut mieux les ignorer complètement.

« Tout conseil est mauvais quand il est imposé. » - François Ponsard

Ne les prends pas personnellement.

Même lorsque le conseil est bon et qu’il part d’un bon sentiment, les commentaires non sollicités peuvent nous blesser.

N’oublie pas que le conseil vient de quelqu’un qui parle sur base de son point de vue, de son vécu et de ses valeurs. Ce qui se passe dans la vie de celui qui s’exprime influe plus sur les mots qui seront utilisés que ce qu’il observe chez toi.

Le conseil, lorsqu’il est donné avec bienveillance et empathie, corresponds à ce que le locuteur aurait voulu entendre s’il s’était trouvé dans une situation similaire à la tienne. Il ne correspond donc pas toujours avec ce que, toi, tu as besoin d’entendre.

Et dans bien des cas, cette personne n’a de la situation qu’une vision assez partielle. Bien souvent, tu as de la même situation une vision un peu plus développée. Ce qui ne veut pas dire que la vision que tu as est exhaustive… Pose-toi la question de savoir si son point de vue et ton point de vue sont, l’un et l’autre, assez étoffés.

Sur toute chose, nous avons nos opinions, nos a priori, nos craintes et nos blessures qui influent sur nos manières de réagir. Ne prends pas à ton compte les peurs et les rancœurs de tes interlocuteurs.

« Le temps est souvent beaucoup plus intelligent que les donneurs de conseils. » - Yvan Audouard

Fixe tes limites et continue ton action.

Lorsque le conseil ne nous convient pas, nous sommes tous tentés d’argumenter, de défendre notre point de vue. Mais dans bien des cas, cela ne fait qu’augmenter les tensions et prolonger la confrontation.

Même si tu sais que tu ne tiendras pas compte du conseil, répondre « Merci, je vais y penser / je vais voir. » Cela ne t’engage qu’à entendre le conseil et à l’évaluer (chose que tu as déjà faite). Cela ne t’engage pas à le suivre. Tu n’as ni besoin d’admettre que le conseil est correct ni besoin de justifier ton point de vue.

Mais tu pourrais également répondre quelque chose comme : « Il parait que la moitié de la nourriture d’un baudet, c’est de faire à sa mode… Tu me prendras peut-être pour un baudet, mais là, je vais le faire comme je l’entends ! »

Et lorsque tu fais face à quelqu’un qui te conseille régulièrement de manière non sollicitée, il est parfois nécessaire de mettre les points sur les i : « Tu as peut-être raison, je sais que tu as des points de vue réfléchis. Mais je préférerais que tu aides les personnes qui sollicitent ton avis. »

« Donner des conseils n’est quelquefois que faire étalage de notre sagesse aux dépens des autres. » - Anthony Shaftesbury

Certains trouveront ces réponses abruptes, mais je crois qu’il est préférable de montrer que tu as l’intention de mener ta barque comme tu l’entends plutôt que de chercher à justifier le bien-fondé de toutes tes décisions.

Autant que possible, cherche à poser tes limites le plus tôt possible et de la manière la plus posée.

Dois-tu donner des conseils ?

Lorsque l’un de tes proches te parle de ses soucis, ou fait quelque chose pour lequel tu agirais autrement, est-il opportun de le conseiller ?

Sur ce qu’il fait.

C’est toujours délicat de donner de conseils sur ce qu’un autre fait. T’as-t-il demandé de l’aide ? Sais-tu s’il maîtrise ce qu’il entreprend ? Sais-tu s’il en connaît les tenants et les aboutissants ? Est-ce une personne distraite qui peut ne pas tenir compte de certains détails ? Tout cela peut influer sur ce que tu vas dire.

Ne sois pas trop prompt sur les « Moi, j’aurais fait autrement. » ou les « Ce n’est pas comme cela qu’il faut faire. » Tant que possible, sois factuel, transmet une information plutôt qu’un conseil.

Récemment, alors que je conduisais en campagne, je dus marquer l’arrêt, car une horde de sangliers traversait la rue que j’empruntais. Trois cent mètres plus loin, je croisais un père et sa fille sur leurs vélos. Lorsque je m’arrêtais à leur hauteur, je ne leur ai pas dit « Je serais vous, je ferais demi-tour. » Ce que je leur ai dit a juste été : « Bonjour, je viens de croiser une vingtaine de sangliers. »

Une autre manière d’intervenir est de poser une question : « Je me trompe où il faut prendre à droite ici ? » ou « Je ne sais pas si tu as tenu compte de … »

Lorsque ton interlocuteur te parle de son vécu ou se plaint ?

La plupart du temps, lorsque nous parlons de nos déboires oui de nos mésaventures, nous ne le faisons pas dans le but que l’autre trouve une solution à nos problèmes. Ce que nous cherchons, c’est de pouvoir exprimer nos ressentis. Mais aussi d’être compris et de recevoir de la sympathie.

Quel est ton niveau d'estime ?

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Si ton interlocuteur désire un conseil sur ses tracas, il y a des grandes chances qu’il te le demande ouvertement. Si ce n’est pas le cas, c’est très certainement que ce dont il ou elle a le plus besoin est une oreille attentive et bienveillante.

Il ou elle se sentira bien plus écouté(e) si, plutôt que de plonger pour lui dire ce que tu aurais fait à sa place, tu lui montres que tu es là pour le ou la soutenir.

Montre-lui que tu es attentif à son récit, pose lui des question de suivi comme « Il y a longtemps que vous vous connaissez ? » ou « Qu’est-ce qui te frustre le plus face à … ».

Tu peux également lui montrer que tu visualises ce qu’il ou elle raconte, que tu te projettes dans ses chaussures. « Ouille, j’aurais vraiment mal pris que l’on me fasse cette remarque. »

Mais tu peux encore verbaliser ce que tu ressens des sentiments qui le(a) traversent : « Tu as dû te sentir piégé(e) » / « Cela à du être éprouvant. » / « Tu as l’air de ne plus savoir comment le prendre. »

À différents moments, tu seras tenté de lui dire comment tu aurais fait… Mais avant de lui dire comment il ou elle devrait réagir, pose-lui cette question : « Comment puis-je t’aider ? Est-ce que tu désires un conseil ou as tu juste besoin de te confier ? » Tu verras que bien souvent, le conseil n’est pas ce qui est recherché.

« En matière sentimentale, il ne faut jamais offrir ni conseils ni solutions… Seulement un mouchoir propre au moment opportun. » - Arturo Pérez-Reverte

Pour conclure.

Voici ma recommandation spontanée à propos des conseils : prends garde aux conseils non sollicité, que cela soit ceux que tu reçois comme ceux que tu donnes. (Oui, il y a une petite mise en abîme dans ma conclusion, mais cela ne serait pas drôle sans celle-ci. )

En fixant tes limites vis-à-vis des conseils reçus de manière ferme et posée, tu amélioreras tes relations à long terme.

Et en évitant de donner des recommandations sans y avoir été invité, tu te rendras compte que proches seront plus enclins à te demander conseil lorsqu’ils en auront besoin et se sentiront plus libres pour les suivre s’ils jugent cela opportun.

« Je ne suis pas assez sérieux pour donner des conseils et je le suis trop pour en recevoir. » - Hugo Pratt

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