Pourquoi les conseils sois toi-même, sois naturel ne nous aident pas ?
Combien de fois as-tu entendu quelqu’un conseiller « Sois juste toi-même. » ou « Sois naturel et ça ira. » Que ce soit avant un rendez-vous galant ou un entretien d’embauche, on entend ce conseil de manière quasi-systématique. Et de prime abord, cela semble être un conseil sensé.
Pourtant, ce conseil ne nous aide pas. Mais vraiment pas. Je me pose parfois la question de savoir si « être soi-même » veut dire quelque chose.
Et si je te disais que nous ne pouvons pas « être nous-même » ? Que personne, y compris toi, ne peut voir qui tu es vraiment ? Que c’est d’ailleurs mieux ainsi ?
Y a-t-il un moment où je suis réellement moi ?
C’est peut-être ça la question. Y a-t-il un moment où je suis réellement moi ? Suis-je moi quand je m’auto-analyse ? Suis-je moi quand je m’adapte pour capter l’attention ? Car, avouons le, nous passons beaucoup de temps à essayer de capter l’attention.
Dès notre naissance, la majorité de ce que nous faisons est de chercher l’attention. D’abord pour satisfaire nos besoins de base assurant notre survie : pour être nourri, avoir du réconfort, dormir… Nous commençons notre vie dans un état néoténique, un état où nous dépendons de notre entourage pour assurer notre survie. Et nous apprenons donc tout de suite à demander, si ce n’est réclamer, de l’attention.
Ensuite, certains deviennent « enfant modèle » ou « petit démon ». Mais quelle que soit la voie que l’enfant choisit, c’est toujours dans le même objectif : attirer l’attention. Nous modulons un beau nombre de nos comportements dans le seul but de nous sentir aimés, entourés, soutenus et, surtout, dignes d’intérêt.
Je ne crois pas avoir besoin de te poser la question… Au fond de toi, tu le sais. Tu agis différemment en fonction des personnes qui t’entourent. Tantôt pour faire bonne impression, tantôt pour obtenir une promotion, tantôt pour obtenir ce que tu désires. Mais aussi pour cacher un secret ou pour donner l’impression que tu sais ce que tu fais.
« Le drame est tout entier là-dedans, monsieur, dans la conscience que j’ai, qu’a chacun de nous d’être « un », alors qu’il est « cent », qu’il est « mille », qu’il est « autant de fois un » qu’il y a de possibilités en lui. » - Luigi Pirandello
Et même quand je suis seul, suis-je réellement moi-même ? Ne suis-je pas un peu plus complexe que l’image que j’ai de moi ? Le vrai moi, mon moi naturel, est-il une chose constante ? N’aurais-je pas d’autres facettes ? Des zones d’ombre ou de lumière dont je n’ai pas conscience ?
Le moi holistique n’existe pas.
Ne suis-je pas, comme le disait Luigi Pirandello dans son roman éponyme, à la fois un, personne et cent mille ( Uno, Nessuno e Centomila) ?
Le personnage principal de ce roman, Vitangelo Moscarda, traverse une crise d’identité. Il se rend compte que les gens, autour de lui, ont de sa personne une image complètement différente de celle qu’il se fait de lui. Dès lors, son but sera de découvrir qui il est vraiment.
« Comme des bibliothèques aux multiples rayons que l’on classe, déplace, aménage, lentement nos identités se recomposent.» - Viviane Chocas
Un moi holistique, une entité unique et constante, ça n’existe pas. Nous sommes faits de beaucoup de moi qui se révèlent par l’expérimentation et l’auto-examen sans fin. Kierkegaard a dit:
L’homme est esprit. Mais qu’est-ce que l’esprit ? C’est le moi. Mais alors, le moi ? Le moi est un rapport se rapportant à lui-même, autrement dit, il est dans le rapport d’orientation intérieure de ce rapport; le moi n’est pas le rapport, mais le retour sur lui-même du rapport.
L’homme est une synthèse d’infini et de fini, de temporel et d’éternel, de liberté et de nécessité, bref une synthèse. Une synthèse est le rapport de deux termes. De ce point de vue, le moi n’existe pas encore.
Ce que cela signifie pour nous.
Maintenant que nous avons vu que nous ne sommes pas aussi simples et constants que les conseils “sois toi-même » ou « sois naturel » le laissent supposer, nous comprenons en quoi ces conseils ne nous aident pas.
Le conseil d’être soi-même est chargé d’hypothèses qui ne font plus sens. Celle que nous sommes immuables. Celle que nos défauts n’ont pas d’importance. Celle que nous n’avons pas besoin de chercher à nous améliorer. Celle que d’une manière ou d’une autre, en étant nous-même, les choses tourneront à notre avantage comme par magie.
Être soi-même tend à nous figer, nous amène à nous comporter conformément à l’image que nous nous sommes déjà faits de nous-mêmes. Et donc à nous enfermer dans un carcan.
D’une certaine manière, ces deux conseils nous poussent à jouer un rôle. Celui du «moi naturel » ou celui du « moi conceptuel », le moi correspondant à ce que je crois que les autres connaissent ou attendent de moi.
Pour des tas de raisons, nous avons différents « moi ». Je ne suis pas exactement le même avec mon épouse, ma famille, mes collègues et mes amis.
« Votre identité réside dans cela - la différence entre ce que vous savez de vous-même, ce que les autres savent de vous et ce que les autres pensent de vous. » - Luigi Pirandello
Nous avons besoin de ces différents « moi ». Nous avons besoin de pouvoir changer de « moi » en fonction du moment et du contexte. Ces variations autour de ce que nous sommes sont essentielles pour nous permettre de progresser et d’atteindre nos objectifs.
Et surtout, ne suis-je pas pleinement moi-même quand j’oublie la question, quand j’oublie de m’auto-analyser et de me demander ce que les autres pensent de moi ? Quand je lâche toutes les histoires, étiquettes et jugements que je me suis imposés ? Quand je vis l’instant juste pour la minute à venir ?
« C’est notre regard qui enferme souvent les autres dans leurs plus étroites appartenances, et c’est notre regard aussi qui peut les libérer. » - Amin Maalouf
Fais l’effort conscient pour être la meilleure version de toi-même.
Combien de fois as-tu vécu une situation où, par la suite, tu t’es dit « J’aurais aimé ne pas avoir dit cela. » ou « J’aurais voulu agir autrement. »
Si, consciemment, tu fais l’effort d’être la meilleure version de toi-même, ce que tu aspires à être, tu obtiendras des résultats bien plus intéressants que si cherche à être « simplement toi-même ».
Pour chaque situation rencontrée, pense à une personne que tu admires dans ce domaine ou cette situation. Quelle serait sa manière d’aborder les choses. Que peux-tu faire pour aborder les choses d’une manière similaire ?
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Ensuite, fais de ton mieux pour t’y conformer. Quitte à aller à l’encontre de ce que tu ferais par instinct. En fin de compte, tout commence par une décision. Ta décision.
Prenons l’exemple de quelqu’un de timide. Si tu lui conseilles d’être lui-même juste avant qu’il ne doive parler en public, que va-t-il faire ? Faire ressortir ce qu’il croit être son essence ? Il se perçoit comme timide, doit-il, dés lors, se montrer timide ?
Et si tu lui conseillais d’être celui qu’il désire être ? Tu lui laisses alors la possibilité de choisir son « moi » le plus apte à atteindre ses objectifs. Car, c’est à force de se conformer à ce que l’on désire être qu’on le devient.
L’image que les autres se font de toi n’est pas (tout à fait) ce dont tu dois te soucier.
Parfois, comme le personnage de Pirandello, on se rend compte que l’image que les autres se font de nous ne correspond pas à ce que nous espérons. Doit-on s’en soucier ? Certains te diront que c’est super important, que notre réputation nous ouvre ou nous ferme des portes. D’autres te diront qu’on se fout de ce qu’ils pensent.
Et si ces deux idées avaient leur raison ? Oui, notre réputation nous ouvre des portes, mais non ce que les autres pensent n’est pas le plus important.
Ce qui compte au final, c’est le fait que tu sois le « toi » qui agit en fonction de tes valeurs. Tu auras des détracteurs, des personnes qui ont des valeurs différentes. Mais surtout, tu auras l’adhésion des personnes qui partagent les valeurs qui te poussent à agir.
Découvre tes différentes facettes.
Combien de fois as-tu fait une chose, agi d’une certaine manière pour, après coup, te demander pourquoi tu avais agi ainsi ? Où tu étais allé chercher toute cette audace ?
Ce sont des moments où certaines de tes facettes viennent au premier plan. Parfois, ces facettes semblent venir de nulle part. Nous évoluons constamment, de par notre expérience, mais aussi de par nos ressentis.
« S’éveiller à qui vous êtes vraiment nécessite d’abandonner l’idée de qui vous croyez être. » - Alan Watts
Il est intéressant de comprendre pourquoi nous pouvons fluctuer à ce point. À l’occasion, tu ne sauras pas vraiment dire pourquoi tu changes de la sorte et ce n’est pas bien grave. Certaines facettes prennent du temps à révéler leurs tenants et aboutissants.
Profite de tes différentes facettes, cela fait partie de ce que tu es.
Être toi-même ou être ton toi futur ?
Chercher à définir qui est ce « moi-même » en suivant les conseils de « Monsieur tout le monde » peut créer une certaine confusion.
Peut-on réellement se résumer en quelques mots ?
Ce moi que je décris quand je cherche à définir qui je suis est seulement une histoire que je me raconte, une petite part de mes vérités. Nous n’aurons probablement pas assez de toute une vie pour faire le tour de tout ce que nous sommes, de tous nos potentiels.
En cherchant à devenir le toi de demain, celui que tu aspires à être, tu seras plus déterminé(e) dans tes choix. Agis conformément à ce que tu crois être important, à l’image que désires avoir de toi. Continue à oeuvrer avec la volonté d’être la meilleure version de toi-même.
En acceptant ta complexité et tes incohérences pour ce qu’elles sont : différentes faces d’une même sculpture. Tu apprends ainsi à ne plus t’enfermer dans un carcan limitatif. Tu t’ouvres à de nouveaux potentiels.
Et si ce slogan n’était pas déjà utilisé dans la publicité, je remplacerais volontiers le « Be Yourself » par « Just do it ».
Sois celui/celle que tu désires être.
« L’identité n’est pas donnée une fois pour toutes, elle se construit et se transforme tout au long de l’existence.» - Amin Maalouf
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