Et si nous tombions le masque ?

Quand on pense « masques », on pense à Venise et à son carnaval, on pense aux soirées déguisées et à l’amusement. Nous aimons faire semblant, quelques heures durant, d’être une personne que l’on n’est pas.

Depuis plusieurs mois, la crise sanitaire du coronavirus aidant, nous avons appris à inclure un autre genre de masques dans nos quotidiens. Et nous avons dû nous habituer à ce que la majorité de nos interactions sociales se fasse avec des personnes dont le visage est grandement masqué.

Pourtant, depuis la nuit des temps, nous portons déjà des masques au quotidien. Des masques bien plus discrets, des masques sociaux, des masques métaphoriques, des masques qui adaptent notre identité à ce que nous pensons que les autres attendent de nous.

 

Bien souvent, nous nous cachons par pudeur, pour améliorer notre image publique, par peur d’être jugés ou par peur d’être rejetés. Les masques que nous portons viennent de notre vécu, de ce que nous retenons de notre expérience de vie.

Comme tout le monde, tu as plusieurs facettes, plusieurs casquettes, plusieurs masques. Tu en changes, probablement de manière inconsciente, en fonction des circonstances et de ton niveau de confiance en toi. Mais ce qui à la base est un réflexe défensif peut parfois nous jouer des tours.

« Nous portons tous un masque, c’est bien connu, et vient un moment où nous ne pouvons l’enlever sans nous arracher la peau. » - André Berthiaume

Je ne te propose pas de laisser tomber immédiatement tous tes masques, loin de là. Nous avons besoin de certains masques pour faciliter nos relations sociales, pour conserver notre emploi, pour « lisser les angles ».

Mais il est intéressant de prendre conscience des masques que tu as l’habitude de revêtir, des circonstances dans lesquelles il est profitable pour toi de les conserver et des moments où il vaudrait mieux les mettre de côté.

Le masque « Ça va, et toi ? »

Le premier masque que nous portons est celui que nous mettons lorsque nous répondons à la question « Comment vas-tu ? ». Bien sûr, lorsque nous sommes heureux et que tout va bien, nous ne portons pas de masque et la réponse coule de source.

Mais souvent, notre réponse est portée par les conventions et cache une autre réalité. Oui, dans la majorité des cas, il est légitime de ne pas avoir envie de partager notre vérité avec tout un chacun. Parce que nous n’avons pas envie que l’autre nous pose des questions. Parce que nous ne voulons pas montrer nos faiblesses. Parce que le contexte professionnel ne s’y prête pas. Parce que nous savons que ce n’est pas chez cet interlocuteur-là que nous trouverons du réconfort.

Sur cette réponse, nous faisons tous très régulièrement semblant… Mais parfois, nous cachons notre réalité à nos proches ou à ceux qui pourraient être un soutien précieux. Par ego, par peur de les inquiéter, par peur de les saouler avec nos problèmes. Ou parce qu’on a le sentiment que ce n’est pas le moment.

Sans tomber dans l’excès inverse et passer la majorité du temps en leur compagnie à nous plaindre, savoir quelles sont les personnes avec qui nous pouvons tomber le masque est probablement une des ressources les plus utiles pour nous aider à rebondir.

Mais avouer les choses aux autres, c’est également mettre des mots sur nos problèmes. C’est, au propre et au figuré, les verbaliser. C’est déjà faire le tri dans nos pensées pour synthétiser notre ressenti avant de le partager. Et cet exercice nous aide à nous comprendre un peu mieux. Il nous permet souvent de commencer à voir des pistes de solution.

Si, en plus, la personne à qui tu te confies est de bonne écoute et de bon conseil, la discussion rechargera tes batteries et tu en ressortiras avec une énergie nouvelle pour affronter tes tourments.

Le masque de politesse.

Le second masque que nous portons le plus est le masque de politesse.

Bien sûr, je ne vais pas te conseiller de dire ce que tu penses réellement de la nouvelle robe de la cousine Bette. Bien sûr, tu ne critiqueras pas ouvertement la dernière idée de ton patron.

Nous portons le masque de politesse pour arrondir les angles, pour éviter de blesser les autres, pour éviter les débats longs et inutiles. Mais aussi par peur de dire non, par peur de l’autorité, par peur du jugement extérieur. On le porte pour ne pas être rejeté, pour être « bien en société ».

Ce masque est indispensable à nos vies. Sans ce masque, nos sociétés seraient très certainement anarchiques.

Je porte très régulièrement le masque de politesse, tu en fais certainement de même. Il nous est tellement utile.

Mais ce masque nous réserve aussi deux pièges :

  • À force de dissimuler qui l’on est et ce que l’on veut, on perd la connexion avec qui nous sommes réellement. À force de nous dissimuler derrière ce masque, nous risquons de nous perdre en chemin. Là où tu dois penser à l’enlever, c’est quand tu te rends compte que ce masque te coupe de ce que tu es, de tes valeurs, de ta liberté d’être et de penser.

  • À force de jouer le rôle de l’enfant sage, de faire preuve de mesure en toute circonstance, de chercher à être en bons termes avec tous nos contacts, nous risquons d’être perçus comme quelqu’un d’insipide, voire d’hypocrite. Nous ne pouvons pas être d’accord avec tout, avec tout le monde et en toute circonstance. Sois franc, sois cohérent dans tes mots et dans tes actes, quitte à subir l’une ou l’autre tension avec tes interlocuteurs, et tu seras perçu comme quelqu’un de droit et d’entier.

« Ce qui est terrible, c’est que pour établir un contact, si vous voulez communiquer avec les autres, vous devez vous inventer comme une sorte de personnage qui communique, qui n’est pas vraiment vous, et à partir de là, vous commencez à croire davantage en le personnage, vous oubliez la personne et vous croyez en le personnage. » - Manuel Puig

Le masque du « faire pareil ».

Beaucoup de personnes portent ce masque durant l’adolescence. En tant qu’animal social, une grande partie de notre apprentissage se fait en singeant, en reproduisant les gestes et les attitudes des grands qui nous entourent.

Alors que l’on se cherche, nous sommes enclins à nous conformer aux attitudes du groupe ou des personnes qui paraissent populaires. Notre but, quand nous endossons ce masque : être accepté par la société, rentrer dans un moule, voire être envié.

Cela semble encore plus flagrant à notre époque : les réseaux sociaux font que les nouveaux modèles, les nouvelles tendances, sont copiés en quelques jours ou quelques semaines aux quatre coins du monde.

Mais nous portons également ce masque lorsque nous arrivons dans un environnement nouveau. C’est comme cela que l’on apprend les codes du milieu dans lequel nous cherchons à nous faire une place. Que ce soit une nouvelle école, un nouveau travail ou lorsque nous emménageons dans un autre pays.

À nouveau, il n’y a rien de mal à endosser ce masque tant que nous ne perdons pas le contact avec qui nous sommes réellement. Et encore une fois, loin de moi l’idée de te conseiller de ne pas avoir recours à ce masque. Il est juste utile d’être conscient de quand et pourquoi nous l’utilisons.

« J’ai peur de m’abaisser devant toi, de rire. J’ai peur que tu me rejettes. C’est pourquoi je joue mon jeu, mon jeu désespéré de faire semblant, avec une façade de sécurité à l’extérieur, et un enfant craintif à l’intérieur. » - Alberto José Varela

Là où ce masque devient dangereux, c’est quand on le porte et que la situation ou le groupe nous entraîne à trop nous éloigner de nos valeurs. Car on se trouve écartelé entre nos valeurs et le sentiment que, pour continuer à être accepté, nous nous ne pouvons pas faire marche arrière, nous devons rester cohérent avec notre masque.

Il faut beaucoup de courage pour poser le masque, pour dire que cela va trop loin. Et souvent, on se laisse entraîner par le groupe. C’est particulièrement flagrant chez les adolescents, mais cette situation se présente également chez les adultes.

On fait semblant d’être ce que l’on est, on est ce que l’on fait semblant d’être.

À lire ces quelques lignes, tu pourrais te demander s’il y a des moments où nous ne portons pas de masque. Sommes-nous en permanence cachés derrière ce que nous croyons que les autres veulent voir de nous ? Ne sommes-nous pas leurrés par l’image que nous nous faisons de nous-même ?

Car nous cherchons en permanence à nous jauger, à nous auto-analyser. Et, y a-t-il un moment où ce que nous percevons de nous n’est pas altéré par un filtre ? Qu’il soit social, culturel ou basé sur notre vécu ?

Nous nous efforçons de faire semblant, nous cherchons à rentrer dans des cases. Celles qui, nous le croyons, nous sont assignées par les attentes extérieures ou par notre chemin de vie. Et nous ne correspondons jamais totalement à cette fichue case.

Nous ne nous sentons pas naturels dans cette case, mais nous essayons de nous en accommoder. On laisse alors primer les apparences, on se laisse porter par les préjugés, les images et les suppositions.

Et, ce faisant, il nous est parfois difficile de nous accepter tel que l’on est, perfectible, et donc empli d’un potentiel de progression.

« Un visage est-il un masque de comédie posé sur la tragédie de l’âme ? » - Shan Sa

C’est en apprenant à tomber le masque, à te connaître toi-même que tu te donneras de réelles opportunités. C’est en faisant tes choix de vie en fonction de tes valeurs que tu seras perçu comme sincère et digne de confiance.

Un masque pour apprendre.

Il y a un dernier masque dont je voudrais te parler aujourd’hui : c’est celui que l’on met lorsque l’on cherche à devenir la personne que nous désirons être.

C’était le masque que nous portions le plus lorsque nous étions enfants, celui que nous mettions pour jouer aux marchands, aux professeurs, aux pilotes, aux pirates, aux vétérinaires ou aux cosmonautes.

Quel est ton niveau d'estime ?

Tu désires connaitre ton niveau d'estime personnelle ?
Fais le quiz.

Ce masque, nous ne le portons probablement plus aussi souvent aujourd’hui. Et c’est dommage… Car c’est en faisant « comme si » que nous apprenons à être. C’est en te demandant « Comment est-ce que je réagirais si j’avais confiance en moi ? » et en mettant tes réponses en actes que tu apprends à avoir confiance en toi.

Ce masque, on a tendance à le confondre avec le masque « faire pareil » ou avec un masque qui servirait à mentir, aux autres et à soi-même.

Pourtant, ce masque, quand il est porté à bon escient, est un fameux vecteur d’apprentissage. Pour bien l’utiliser, il suffit de te souvenir qu’il te sert à apprendre et à ouvrir des portes. Ce que tu fais de ces portes ouvertes ne dépend pas de ce que tu as fait semblant d’être, mais de ce que tu es, de ce que tu apprends à être et de ce que tu deviens.

« Vous devez d’abord être qui vous êtes vraiment, puis faire ce que vous avez à faire, pour obtenir ce que vous désirez. » - Shakti Gawain

Conclusion

Nous portons tous des masques, la société nous a appris à les porter. La question n’est pas de savoir si nous devons arrêter d’en porter. Nous ne pourrions pas. Et même lorsque nous affirmons ne pas en porter, est-ce réellement le cas ?

La question est plutôt de savoir si nous sommes conscients d’en porter ? Si nous savons quand et pourquoi nous les portons ? Si nous savons quand ils nous sont utiles ? Si nous savons nous en défaire avant qu’ils ne nous lient, qu’ils nous enferment dans un schéma comportemental qui ne nous est pas favorable ?

Je l’ai déjà dit, mon but dans cet article n’est pas de te conseiller de te débarrasser totalement et définitivement de tes masques. Apprends à savoir quand les enlever pour être en accord avec toi-même. Pour oser dévoiler tes faiblesses aux personnes susceptibles de les accepter et de t’aider à les dépasser. Pour montrer qui tu es réellement et quelles sont tes valeurs.

« Quand les autres nous regardaient, il nous semblait qu’ils cherchaient la vérité en nous, ou qu’ils savaient que derrière toute chose se cachait quelque chose de plus. » - Clara Sanchez

Commentaires